La parole est aux speakers : Magali Milbergue

Publié le

Jusqu’à l’AFUP Day 2021, retrouvez nos interviews de speakers pour mieux comprendre leur parcours et le sujet qu’ils ou elles aborderont lors de leur conférence !

La conférence

Du social à la tech : retour sur 2 ans de transition.

Retour d'expérience sur les deux premières années d'une développeuse web au profil atypique.

Durant cette conférence j'aimerais raconter mon parcours de reconversion du social à la tech en pointant du doigt les challenges (la formation en accéléré, s'adapter à un métier technique...), les problèmes (le gatekeeping, le sexisme, ...) mais aussi les choses positives (les rencontres, l'accueil de certaines personnes, le soutien...) que j'ai rencontrés durant ces deux ans pleins de rebondissements.

En partageant mon parcours et échangeant avec le public, j'espère que des pistes de réflexions sur comment rendre notre industrie plus inclusive pourront émerger.

Rennes
28/05/2021
14:00-14:20

Magali, qu’est ce qui t’as amenée à faire une reconversion professionnelle ?

J’étais dans le social depuis plus ou moins une dizaine d’années et j’avais de plus en plus de mal à trouver de la satisfaction dans le métier que je faisais. Plus le temps passait, moins on avait les moyens de faire quoi que ce soit de positif. Sur mon dernier poste, j’ai même rencontré plusieurs situations où on faisait du mal aux personnes qu’on accompagnait (faute de moyens) et ça pour moi c’était impossible à accepter. J’ai subi un licenciement économique et c’était la première fois depuis longtemps que je pouvais me poser un peu et réfléchir à où j’allais professionnellement. J’ai réalisé que le travail social, celui auquel j’avais accès en tout cas, ne me convenait plus. J’ai donc décidé de faire une reconversion. Grâce au licenciement économique j’avais la possibilité de faire tout un parcours de bilan d’expérience. J’avais déjà l’idée de repartir vers le développement web (ce que je voulais faire au lycée mais ce pourquoi on m’a découragée) et quand j’ai vu qu’il y avait des formations qui rentraient dans la limite de temps que j’avais, et que c’était un secteur qui embauchait beaucoup, j’ai décidé de tester un ou deux cours en ligne pour voir si ça m’amusait… Et ça m’a convaincue de partir dans cette direction.

Entre les formations en ligne qui fleurissent un peu partout, les écoles qui promettent des formations en quelques mois, il peut être difficile de savoir comment engager une reconversion vers la tech : que conseillerais-tu à une personne qui a envie de changer de métier pour rejoindre notre milieu professionnel ?

Outre la question du choix de la formation qui est très compliquée (surtout quand on voit l’offre qui s’agrandit chaque jour), et pour laquelle je n’ai pas vraiment de réponse à part faire des recherches intensives, définir ses critères de sélection (durée, coût, lieux, diplôme à la sortie…), je conseillerais de contacter des personnes qui sont passées par ces formations. Et pas seulement celleux qui ont un super boulot maintenant, mais aussi celleux qui n’ont jamais vraiment été dans l’industrie ensuite, celleux qui n’ont pas eu les diplômes, celleux qui ont arrêté avant la fin… Parce que les écoles vendent une vision très positive : « vous allez travailler très dur mais ensuite vous accédez à des postes super intéressants qui paient super bien ». C’est loin d’être l’expérience de la plupart de mes collègues de formation. Même moi qui suis une « sortie positive » (j’ai eu le titre, j’ai enchaîné tout de suite sur un CDI…), c’est loin d’être la belle vie qu’on m’avait vendue (à laquelle heureusement je ne croyais pas, grâce aux recherches que j’avais faites avant…). Je pense que contacter des personnes qui ont fait ces reconversions permettrait d’avoir une vision plus juste de la difficulté de la formation, mais aussi de ce à quoi on peut s’attendre à la sortie. D’autant plus qu’avec la crise liée au COVID j’ai l’impression que les places pour les juniors débutants se font encore plus rares.

Il y a peu de femmes dans le monde de la tech, est-ce un problème pour toi ?

Bien sûr. Je vais honnêtement avoir beaucoup de mal à résumer ma réponse en quelques lignes pour cette question. C’est hyper problématique pour plein de raisons et je ne vais jamais réussir à évoquer toutes ces raisons. Mais si on prend ça juste du point de vue de la « santé » de l’industrie, cet entre-soi masculin ne peut qu’être négatif. La technologie est dans notre quotidien à présent et est utilisée dans la sécurité, par le gouvernement, dans l’administratif, par la justice… Et on sait que les biais des développeurs se retrouvent dans les technologies qu’ils construisent. Alors forcément, on se retrouve avec des technologies qui prennent l’homme (petit h) comme point de référence, comme neutre, et les femmes se retrouvent avec des technologies pas adaptées à elles (le livre Invisible Women de Caroline Criado Pérez explique très bien les problèmes que ça entraîne). Il y a d’ailleurs le même problème avec la prédominance des personnes blanches dans la tech, c’est comme ça que Google (il me semble) se rend compte que sa voiture auto-conduite ne reconnaît pas les personnes noires. Sans diversité, on ne peut pas créer des technologies inclusives à tous-tes. Par ailleurs bien évidemment, il y a un vrai problème de sexisme dans la tech. Il y a du sexisme partout, je n’y ai évidemment pas échappé dans ma première carrière. Mais dans la tech c’est impossible de passer à côté. On est obligées d’apprendre à s’armer contre à chaque étape de notre carrière. De la formation au CDI, en passant par la recherche d’emploi, à chaque étape j’ai dû justifier le fait que j’étais une femme, en plus de tout le reste de mon parcours. On m’a posé des questions discriminantes en entretien, on m’a fait comprendre que je n’avais pas ma place, on a essayé de me forcer à aller vers le front à tout prix (alors que le back est ce qui m’intéresse), on m’a fait des réflexions déplacées, on n’a pas écouté mes idées, on m’a expliqué mes idées à moi-même comme si elles n’étaient pas les miennes, on a considéré que faire le café était mon rôle… Tout ce sexisme ne disparaîtra pas magiquement si on arrive à faire entrer plus de femmes dans la tech. Mais des équipes plus diverses permettraient d’éviter cette appropriation de tout l’espace par un groupe qui finit par traiter toutes les personnes différentes comme des intruses.